Loi ORE : entre ambition et questionnements

Moyens pour réussir la réforme, dotations aux établissements, accompagnement des étudiant.e.s, reconnaissance de l'investissement pédagogique des personnels, organisation du post-bac : une analyse du Sgen-CFDT.

loi ORELa loi Orientation et Réussite des étudiants, et les arrêtés qui vont être publiés, annoncent comme objectif de proposer un véritable suivi des étudiants et une personnalisation de leur parcours. Le Sgen-CFDT ne peut que s’en féliciter, pour peu bien sûr que les moyens humains et financiers nécessaires à la réalisation de ce plan ambitieux soient assurés.

Moyens pour réussir la réforme : premier pas

Le Sgen-CFDT prend bonne note des annonces du Premier Ministre : augmentation du nombre de place en IUT et en BTS, dans les licences dites « en tension », ainsi que pérennisation de l’effort pour accompagner la croissance des effectifs étudiants. Mais cette prise en compte quantitative de la croissance du nombre d’étudiants ne suffit pas, elle ne répond qu’à une partie des problèmes. Oui, l’enseignement supérieur français est sous-doté depuis plusieurs années. Et bien sûr, il est nécessaire d’intégrer ce paramètre dans le calcul des dotations aux universités.

La loi qui vient d’être votée et les arrêtés qui sont l’objet de la concertation avec l’ensemble des acteurs vont bien au-delà de cet unique problème, aussi prégnant soit-il compte-tenu des difficultés financières des établissements aujourd’hui.

Quelle ambition ?

En effet, les discussions actuelles sur les deux arrêtés « Cadre national des formations » et « Licence » sont autrement plus ambitieux. Ils sont le cadre plus global d’une réflexion sur le système post-bac français, et en particulier sur l’accompagnement : contrat de réussite pédagogique pour assurer un suivi de tous les étudiants, remédiations, passerelles et une certaine individualisation des parcours.

Les annonces faites ne peuvent constituer qu’un premier pas.

De ce point de vue, les annonces faites ne peuvent constituer qu’un premier pas : il faut bien plus de places, mais il faut aussi mieux faire pour chaque étudiant. Prévoir de l’indemnitaire, comme l’a annoncé le premier ministre, ne peut pas constituer l’unique réponse. Accompagner correctement les étudiants, cela veut dire plus de postes, plus de moyens financiers, la reconnaissance de l’investissement pédagogique dans la progression de carrière des personnels.

loi OREAccompagner les étudiants tout au long de leur parcours

Les dispositifs d’accompagnement sont centraux dans la loi : répondre correctement aux « oui, si » est la seule façon de sortir enfin de la sélection qui sévit actuellement. Tout le monde peut s’inscrire, mais tout le monde est très loin de réussir. Parce que pour réussir, il faut avant avoir eu le « bon » parcours. Alors, plutôt que de fermer les yeux sur cette réalité, mieux vaut aider à la construction de ces parcours non linéaires. Il faut prévoir des dispositifs spécifiques pour donner des armes à ces étudiant.e.s.

Des moyens récurrents pour les établissements, mais il faut que ces moyens soient conditionnés à la réalité des actions menées par les universités.

De la même façon, l’un des groupes de travail de la concertation sociale a fait des propositions sur le contrat de réussite pédagogique de l’étudiant (CRPE). Ce contrat est destiné à aider l’étudiant tout au long de son parcours, à la fois au début de ses apprentissages universitaires (par exemple en cas de remédiation, de questionnement sur ses choix de parcours) mais aussi lors de ses orientations futures.
Ces deux dispositifs (entre autres) supposent des moyens récurrents pour les établissements. Mais il faut également que ces moyens soient conditionnés à la réalité des actions menées par les universités.

Des dotations pérennes et conditionnelles ?

Les universités ont déjà reçu des dotations pour les nouvelles places créées, pour l’étude des dossiers parcoursup. Elles peuvent, si elles en font la demande, en recevoir également pour lancer les premiers dispositifs de remédiation. La nécessaire montée en puissance de tels dispositifs implique une pérennisation des financements, ainsi que des modalités de suivi de ces actions et des moyens qui leur sont alloués. Pour éviter toute déperdition des sommes correspondantes sur d’autres objectifs, comme cela fut le cas pour le Plan Réussite en Licence.

Une vision globale de l’ESR

Enfin, l’augmentation des places dans les filières sélectives doit s’accompagner d’une réflexion sur l’organisation du post-bac : le nombre de vœux pour les IUT augmente de 25,9%, avec une très forte croissance pour les bacheliers technologique (40,5%). De même, le nombre de vœux pour les BTS augmente de 29,5%, avec une augmentation nette également pour les bacheliers professionnels (+26,7%). L’absence de « pastilles vertes » a certainement contribué à cette évolution. Il faut maintenant que les étudiant.e.s qui n’ont pas les attendus pour d’autres formations plus théoriques (et par ailleurs qui ne souhaitent pas y entrer) puissent trouver leur place dans ces filières. Il faut éviter la situation ubuesque où la dynamique des flux provoquerait une arrivée massive en licence des publics rejetés par les IUT et les BTS alors même que les licences ont les taux d’encadrement les plus faibles, et de très loin.