Communiqué d’avril 2008 du Sgen-CFDT Ens. sup. et recherche de l’académie de Grenoble, du Syndicat des personnels de l’énergie atomique SPEA-CFDT Grenoble, de l’Union régionale interprofessionnelle CFDT Rhône-Alpes, et de l’Union départementale CFDT de l’Isère.
Le projet Grenoble Isère Alpes Nano-Technologies (GIANT) a été rendu public, et fait
actuellement débat dans la communauté des chercheurs (CEA, EPST, Universités) et personnels de
l’enseignement supérieur grenoblois. La CFDT, qui syndique l’ensemble de ces personnels, donne
ici son analyse de ce projet, par la voix du groupe de travail « recherche » de l’Union Régionale
Interprofessionnelle (URI) Rhône-Alpes. Ce groupe de travail fut constitué en 2003 au moment des
Etats Généraux de la recherche, et a déjà participé à de nombreuses actions dans les pôles de
compétitivité naissants, ainsi qu’au débat sur les nanotechnologies en 2006. Fidèle à son
syndicalisme de proposition, la CFDT donne également quelques pistes pour aller vers un
développement cohérent de l’enseignement supérieur et de la recherche sur l’ensemble du site
grenoblois.
1 La rénovation du polygone scientifique
La ville de Grenoble avec l’appui du conseil général de l’Isère a mis en place un programme
ambitieux de rénovation urbaine du secteur polygone scientifique – gare, avec une importante
requalification des espaces, la construction de logements neufs et la prolongation du tram. Ce
programme devrait permettre de désenclaver le polygone scientifique en le reliant au centre ville,
de l’animer en y apportant commerces et habitations et finalement de moderniser les infrastructures
de recherche.
Sur le plan scientifique, le CEA, suivi par Grenoble INP et l’UJF, propose la création d’un ‘MIT
à la Française’, nommé GIANT localisé sur le site du polygone scientifique rénové. L’objectif
affiché (mais le contenu scientifique est encore flou), est d’obtenir une ‘visibilité internationale’, de
créer un nouveau campus ‘attractif’ accueillant à terme environ 10 000 étudiants, et de coordonner
la recherche sur le polygone autour de 3 axes: nanotechnologies et information, bio-
nanotechnologies et énergies du futur. Au-delà de Grenoble INP et de l’UJF le projet associe
également le CNRS et les grands instruments localisés sur le polygone.
2 Une rénovation et un désenclavement du polygone nécessaire.
Il convient, même si les deux aspects sont étroitement imbriqués, de distinguer l’aspect
aménagement urbain de la presqu’ile scientifique et du secteur gare – Berriat d’une part, et le projet
de refondation de la recherche et de l’enseignement supérieur GIANT d’autre part. La CFDT ne
peut qu’approuver le désenclavement de ce secteur, et la mise en place de transports en commun
rapides permettant entre autre de relier le polygone et le campus de Saint Martin d’Hères.
Néanmoins elle souhaite que le périmètre de l’étude ne reste pas localisé sur le seul quartier
Grenoblois, mais déborde largement sur les communes riveraines dans le cadre de la METRO. En
particulier, on ne peut pas mettre en place la rénovation du polygone, sans aborder la place des
autres campus de l’agglomération et en particulier la question cruciale de la rénovation des
bâtiments du campus de saint Martin d’Hères, qui continuera d’accueillir dans tous les cas de figure
la large majorité des étudiants sur Grenoble (plus de 30 000 étudiants sur ce campus).
3 Un projet élaboré sans aucune concertation
Alors que le projet GIANT vise à une refondation profonde de la recherche et de l’enseignement
supérieur sur le polygone scientifique et modifiera de fait la situation globale universitaire, la CFDT
ne comprend pas que le projet ait été élaboré dans la plus grande opacité, sans aucune concertation
des personnels, sans aucune analyse approfondie de l’avenir de la recherche et de l’enseignement
supérieur sur l’ensemble du site de Grenoble. Pourtant les structures où sont représentés les
personnels existent : conseils d’administration et scientifique dans les universités ou les EPST,
comité d’entreprise au CEA, ESRF ou ILL. A un moment où se met en place l’autonomie des
universités il est pour le moins paradoxal qu’aucun des CA d’université n’ait eu à se prononcer sur
ce projet.
4 Un projet qui ne répond que partiellement à ses objectifs et qui divise
Le polygone scientifique a connu ces dernières années une évolution importante, avec la ‘montée
en puissance’ des recherches en micro-électronique, puis en nanotechnologies. Très récemment le
thème nano-sciences et information a été mis en avant sans que son contenu et ses contours aient été
encore l’objet d’une réflexion approfondie et cohérente. Ces projets ont abouti à la mise en place de
Minatec, du pôle de compétitivité Minalogic et ont amené un ‘souffle nouveau’ sur le polygone. Le
projet GIANT se place dans cette continuité et a de ce point de vue une certaine cohérence. Il faut
cependant remarquer que les thématiques mises en avant et en particulier les bio- nanotechnologies
et les énergies du futur débordent déjà largement le cadre du polygone scientifique. De plus, pour la
CFDT ce projet ne répond pas aux défis plus globaux de l’enseignement supérieur et de la
recherche.
En quelques années l’organisation de la recherche a vu se multiplier les structures avec la mise
en place de l’agence nationale de la recherche (ANR), des pôles de compétitivités, des réseaux
technologiques de base (RTB), des réseaux de recherche thématiques avancés (RTRA), des réseaux
Carnot, des clusters régionaux… Pour la CFDT c’est d’une véritable structuration-simplification
dont le site Grenoblois a besoin, et GIANT n’est pas la réponse appropriée à ce défi.
Le projet prétend être un ‘MIT à la Française’ (Massachusetts Institute of Technology). Même si
pour la CFDT le MIT n’est pas forcément le modèle à suivre, force est de constater que GIANT,
avec des objectifs focalisés sur 3 thématiques dans lesquelles le mot « nanotechnologie » est le
sésame, n’a rien à voir avec le véritable MIT. En effet, contrairement à ce que pourrait laisser croire
son nom, le MIT, et c’est son originalité, allie toutes les disciplines allant de l’histoire de l’art aux
technologies les plus pointues. Il n’est sans doute pas inutile de rappeler que le célèbre linguiste
Noam Chomsky est professeur au MIT depuis le milieu des années cinquante. On imagine mal
comment il pourrait avoir sa place dans GIANT ! On pourrait multiplier ces exemples.
La CFDT tient à souligner que ce projet sera piloté par une recherche essentiellement finalisée et
technologique, et ignore des pans entiers de la recherche grenobloise qui en font sa richesse. Les
universités Stendhal et Pierre Mendès France ne sont pas parties prenantes de ce projet et les
objectifs scientifiques sont focalisés sur des objectifs à court terme, le risque est donc grand de se
retrouver vite bloqué pour anticiper sur les formations et pour fertiliser l’innovation. Grenoble a su
jusqu’à présent garder un équilibre entre recherche ‘fondamentale’, recherche appliquée et
innovation. Si la recherche finalisée a abouti à des avancées incontestables, nombre de découvertes
ne se font pas suivant un modèle ‘linéaire’ et ‘prédictif’. Pour ne citer qu’un exemple grenoblois,
qui aurait pu prédire il y a vingt ans que les recherches en glaciologie donneraient des réponses
décisives sur l’évolution climatique? On peut également citer l’exemple du laser ou des
découvertes du récent prix Nobel A. Fert. La CFDT tient à rappeler que la recherche finalisée, les
réponses aux demandes sociétales ne peuvent aboutir sans être appuyées par une recherche
fondamentale forte et diversifiée en quête de connaissances nouvelles et d’une pensée du réel.
Enfin ce projet, centré uniquement sur le polygone, va instaurer de fait une césure en deux zones
géographiques avec des campus à ‘2 vitesses’ : un polygone ‘riche’ en technologies et à ambitions
technocratiques de par ses équipements de prestige et le campus actuel ‘pauvre’ qui accueillera la
majorité des étudiants. La CFDT rappelle ici son engagement pour le droit à un enseignement de
qualité pour tous. De plus, la recherche et l’enseignement sont effectuées, de fait, sur plusieurs
zones géographiques et ce même en se limitant aux 3 thématiques retenues dans GIANT :
information, santé, énergies du futur. Cette césure est donc artificielle. Elle va à l’encontre du
progrès visé par la mise en place de liaisons rapides qui offrent une chance unique d’avoir un
développement harmonieux et réfléchi sur l’ensemble de l’agglomération.
Voir également le communiqué intersyndical de juin 2008.