Indispensables au bon fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur, les ESAS souffrent pourtant de taux de promotions scandaleusement bas : le Sgen-CFDT, à l'occasion du Protocole RH, demande une ouverture des discussions à ce sujet. Par Françoise Lambert et Ghislaine Stern
Qui sont les ESAS ?
Depuis 1972, les professeurs agrégés (PRAG), comme les professeurs certifiés (PRCE), les professeurs des lycées professionnels et les professeurs d’EPS, peuvent être affectés dans un établissement d’enseignement supérieur. Elles et ils sont aujourd’hui appelés ESAS (enseignants du second degré affectés à l’enseignement supérieur).
Lorsqu’ils sont affectés dans une université ou un IUT, les PRAG-PRCE enseignent sans effectuer de recherche : ils doivent consacrer l’intégralité de leur service à l’enseignement, alors qu’un enseignant-chercheur (EC) consacre la moitié de son temps de travail à la recherche.
Dans les faits et comme le souligne d’ailleurs le rapport de l’IGAENR (2016), en plus de leur enseignement, les ESAS doivent assurer de nombreuses tâches pédagogiques et administratives, missions d’encadrement, responsabilités organisationnelles, nécessaires au bon fonctionnement de leur établissement d’enseignement supérieur.
Le Sgen-CFDT demande une meilleure reconnaissance pour les ESAS !
Cet apport considérable reste pourtant insuffisamment pris en compte et valorisé dans la carrière de ces enseignantes et de ces enseignants. Les PRAG PRCE semblent être toujours les laissés pour compte, les grands oubliés, ils sont pris dans un « no man’s land », coincés parce que leur statut n’est pas reconnu correctement dans l’ESR.
Est-ce la conséquence de leur position « hybride » ?
En effet, ils dépendent statutairement du ministère de l’Éducation Nationale mais sont rattachés au ministère de l’Enseignement Supérieur. Du coup, ils ne sont pas inspectés et ne peuvent donc être promus comme leurs collègues de lycée. La valorisation de leur carrière est complexe, car les critères de l’ESR ne sont pas ceux de l’enseignement scolaire.
Quand leur dossier arrive au Rectorat, une nouvelle incompréhension de la réalité de leurs missions est à déplorer. Que signifie pour le Ministère de l’Éducation Nationale un « directeur des études », un « responsable pédagogique », un « responsable des projets tuteurés » etc. ? A quelles charges et compétences cela fait-il référence ?
Des taux de promotion scandaleusement bas…
Le résultat de cette situation est qu’ils ne rentrent dans aucune case, les promotions ne se font qu’à l’ancienneté !
Un rapport de l’IGAENR de 2016 (La place des agrégés dans l’enseignement universitaire) rappelle que, « au regard de leur poids parmi les candidats et les proposés, les candidats du supérieur sont sous représentés dans les promus. Leur poids au sein de l’ensemble des candidats est proche de 11 %, mais leur poids au sein des promus est significativement moins important (7,6 %). Et celui-ci représente une part presque deux fois moins importante que leur poids parmi les candidats proposés par les recteurs (13,4 %). C’est donc lors de l’examen des candidatures au niveau national que les candidats du supérieur sont éliminés ».
Des tâches chronophages et peu valorisées
Un sentiment de frustration et d’injustice est d’autant plus présent que ces tâches sont chronophages et peu valorisées. Actuellement, les PRAG-PRCE représentent environ 19% du personnel enseignant dans le supérieur, mais ils effectuent une part largement plus élevée des heures d’enseignement que ce que font les Enseignants-chercheurs.
Mécaniquement, il est logique que la part des heures de formation qu’ils assument soit plus importante, puisque les heures de service des ESAS représentent le double des heures des EC (384h contre 192h). Mais en pratique le nombre d’heures effectivement enseignées par les ESAS est plus important que ce que représente leur nombre d’heures de services : ils réalisent 40% du total des heures de formation, alors qu’ils ne devraient représenter qu’environ 1/3 de ces heures.
Un enjeu essentiel pour le bon fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur
La reconnaissance du travail et la valorisation des carrières des PRAG-PRCE constituent un enjeu essentiel pour le bon fonctionnement de nos établissements d’enseignement supérieur, et il est grand temps que nos revendications soient entendues par les Ministères concernés.
Le Sgen-CFDT revendique l’intégration des ESAS dans les discussions du Protocole RH actuellement négocié.
Le système indemnitaire des Chercheurs et Enseignants-chercheurs est actuellement un enjeu fort des discussions avec le MESRI, portant le « Protocole RH ». Pour le Sgen-CFDT, il est impératif de travailler rapidement sur le dossier de nos collègues enseignants du secondaire affectés à l’enseignement supérieur et de les intégrer dans ces discussions.
En effet, ces personnels représentent une part non négligeable des effectifs, mais ne sont pas reconnus en tant que tels : ils sont tour à tour considérés comme dépendant du MENJS ou du MESRI.
Par exemple, la prime « socle » dans l’ESR était jusqu’ici identique pour les EC et les ESAS (le montant de la PRES – Prime de Recherche et d’Enseignement Supérieur, pour les EC – était identique à celui de la PES -Prime d’Enseignement Supérieur, pour les ESAS). Mais elles sont désormais différentes, car les ESAS ne relèveraient pas du MESRI, mais du MENJS. A l’inverse, la prime « informatique » qui vient d’être accordée aux enseignants du scolaire, et donc du MENJS, ne peut leur être attribuée, puisqu’ils sont dans le supérieur, et donc du MESRI !