CPGE : Quoi de neuf avec la réforme du lycée ?

Le changement d’architecture du lycée a des conséquences mécaniques sur les classes préparatoires aux grandes Ecoles (CPGE), notamment scientifiques et économiques : le choix de « seulement » 2 spécialités en terminale, pose le problème de l’adéquation de ces choix avec le recrutement en CPGE.

Aujourd’hui ce recrutement est calé (sauf pour les CPGE littéraires) sur les enseignements des filières,  avec notamment la filière S comme référence.

Des clarifications nécessaires…

Le ministère a produit une « infographie » qui précise :

  • qu’il existera une nouvelle classe préparatoire scientifique à dominante informatique. C’est un débouché potentiel pour les élèves ayant suivi NSI mais pas seulement pour eux. Ces CPGE seraient des transformations de MPSI pré-existantes, dans une proportion aujourd’hui inconnue. A noter que certaines Écoles d’ingénieur sont assez réservées sur cette nouvelle proposition, considérant que les compétences et contenus en sciences physiques et mathématiques doivent dominer sur les compétences informatiques des futurs candidats.
  • quelles spécialités sont « possibles » pour rejoindre telle ou telle classe préparatoire, avec le souci de ne pas obliger les élèves à des choix trop restreints pour ne pas fermer un vivier déjà pas forcément suffisant. Mais il s’agit quand même de ne pas trop bousculer l’existant et le « niveau  attendu » des élèves en classe préparatoire.

Dans les pistes qui ne figurent pas encore dans les documents, il serait envisagé de basculer une partie des heures d’interrogations orales (les « khôlles »)  en modules de remédiation lors du premier semestre. Ces modules seraient à destination essentiellement de « bons » élèves qui n’auraient pas pris les « bonnes » spécialités ». Par exemple un élève accepté en PCSI avec les spécialités maths et informatique (mais pas de sciences physiques).  Des groupes de travail envisagent divers scénarios, avec bien évidemment la contrainte de trouver des idées neuves… à moyens constants. Les contenus des programmes seront revus à partir de l’automne. Pour les classes préparatoires littéraires, qui recrutaient déjà à partir de tous les séries du bac général, il n’y a pour l’instant aucun travail d’adaptation entrepris.

… mais pas suffisantes pour le Sgen-CFDT

Ces mesures sont certes utiles, mais insuffisantes au regard des enjeux de la loi ORE. L’ouverture sociale et scolaire des classes préparatoires et une réflexion globale sur la réussite étudiante ne semblent pas à l’ordre du jour. Pourtant la concomitance de la transformation du lycée, les préconisations du rapport Charvet sur l’orientation et la loi ORE auraient pu être une opportunité pour entamer cette réflexion. D’autant que dans le paysage, certaines grandes Écoles envisagent de modifier leurs concours (les écoles vétérinaires par exemple), et ont déjà commencé à proposer des parcours alternatifs (après un master, après un DUT…).

Cela montre qu’une des clefs est dans la diversité des concours à la fois sur leur contenu et sur leur forme.

Les dispositifs imposés à l’université d’accompagnement des élèves fragiles (les « oui si ») sont pour l’instant bien maigres en CPGE, si seules quelques heures de remédiation sont prévues au premier semestre. D’une part, cette possibilité a déjà été ouverte par une circulaire en 2013, et n’est que peu appliquée. D’autre part, les moyens alloués à ces dispositifs résulteront directement de la négociation avec les rectorats dans le cadre d’une contractualisation : il existe donc un risque que ces moyens soient plus liés  au « prestige » de la CPGE qu’aux besoins des étudiants recrutés. Enfin, les besoins en question sont fortement circonscrits à un choix de spécialité « non conforme », plutôt qu’à une remédiation pour des publics plus fragiles. On ne sait d’ailleurs pas quel retour sera fait de l’utilisation de ces moyens: les CTA pourraient avoir là une occasion à saisir pour évaluer l’utilisation de ces moyens…

une autre politique est pourtant possible et souhaitable

Une politique volontariste d’ouverture du vivier semble pourtant possible, notamment en mettant en place des liens plus forts entre les CPGE et les lycées du bassin de recrutement : cordées de la réussite, stages, échanges entre collègues…autant de pistes souvent évoquées mais qui restent aujourd’hui dépendantes d’initiatives individuelles.

Le dernier trimestre de terminale avec la préparation de l’oral terminal pourrait aussi être un levier, pour commencer à mobiliser les élèves de façon plus ciblée pour leurs formations post-bac, dont les CPGE : via des MOOC réalisés par des enseignants de classe préparatoire et encadrés par les enseignants de lycée, via des modules de « remise à niveau »  dans la ou les disciplines non suivies… Des pratiques déjà proposées par des officines privées, que l’Education nationale pourrait aussi mettre en place, à condition d’accepter de la souplesse et des aménagements au dernier trimestre pour les élèves comme pour les enseignants.

Le développement de passerelles entre l’université et les CPGE (dans les 2 sens) pour rendre possible des parcours plus diversifiés et éviter les effets « rails » des cursus actuels pourraient aussi être envisagés. En suivant le principe de la loi ORE, des allers-retours avec des constructions progressives de contenus et de compétences, des objectifs de concours en 3 ans plutôt qu’en 2 ans sont possibles. Aujourd’hui une grande partie des étudiants hésite sur la « voie » à suivre, et il serait utile de permettre le droit à l’erreur en allégeant le poids de l’échec pour ces « bons élèves ».  Là encore si la réalisation de ce genre de dispositif est très liée au contexte local, on sent peu de volonté réelle des ministères pour se lancer dans un accompagnement des CPGE qui joueraient cette partition.

Les BTS et les DUT commencent à se voir imposer une politique de plus en plus claire de quotas d’élèves issus de Bac Professionnel ou de bac technologique (et donc des quotas « en creux » d’élèves issus de la voie générale). Il y a là aussi peut-être matière à réflexion sur l’attractivité des CPGE envers l’ensemble des élèves de la voie générale qui voit progressivement se fermer l’assurance d’être acceptés en filières courtes de proximité après le bac.

Pour le Sgen-CFDT, des solutions doivent être adoptées pour permettre à toutes les catégories sociales d’accéder aux classes d’excellence que sont les CPGE, et retrouver l’idéal républicain à l’origine de leur création.