Confinement, crise sanitaire et précarité des étudiants

Synthèse de nos remontées du terrain sur la situation des étudiants pendant la crise.

Confinement, crise sanitaire et précarité des étudiantsLa période vue par nos correspondants dans les universités

Avec le confinement un grand nombre d’étudiant·es ont vu leur quotidien se dégrader brutalement. Arrêt des cours en présentiel pour certains et rupture de stage pour d’autres, confinement en cité U, difficultés alimentaires avec la fermeture des restaurant des CROUS, perte des petits boulots nécessaires au budget, mise en évidence de la fracture numérique, etc.… Puis a suivi une période d’incertitude : quid de la continuité pédagogique et des examens, de la perte probable de l’indispensable job d’été, pour les étrangers, de l’incertitude de pouvoir rentrer chez eux durant les congés d’été, ainsi que de l’année prochaine ?

Quotidien brutalement dégradé… et période d’incertitude…

Si les CROUS continuent à accueillir dans leurs résidences les étudiant·es qui le souhaitent, la restauration n’est plus assurée. Les services sociaux des CROUS sont mobilisés pour les accompagner, y compris financièrement.

Des aides alimentaires et à l’achat de produits de première nécessité ont été mises en place progressivement dans les CROUS et dans les établissements d’enseignement supérieur pour les résidents confinés ainsi que pour les étudiant·es en précarité, entre mars et mai.

Tout cela s’est mis en place non sans mal. Impréparation à tous les niveaux, ministère ayant du mal à gérer toutes les sollicitations, communication parfois défaillante, tâche complexe que de contacter les étudiants lâchés dans la nature.

Par différents moyens, mails, sms, avec plus ou moins de succès, des universités ont contacté les étudiants (12000 réponses à Grenoble, 26000 à Aix-Marseille). Les étudiant·es en grande précarité ont pu être ainsi repéré·es et une aide adaptée à leur besoin leur a été apportée, dans toute la mesure du possible. Les services inter universitaires de la médecine préventive, des étudiants, ont été mobilisés pour répondre aux besoins médicaux mais également aux troubles liés au sentiment d’isolement. Des étudiant·es relais ont contribué à établir des liens.

Des aides de première nécessité assurées par des personnels sous pression…

Pour les personnels peu nombreux dans ces services, cette période a été source de pression. De plus, l’organisation de ces nouvelles tâches n’avait pas été prévue, et répondre à cette augmentation forte des sollicitations en situation de crise a été très difficile à assumer parfois pour ces personnels.

Des aides de première nécessité ont été apportées (aides financières directes, distribution de bons ou packs alimentaires, de kits d’hygiène, etc.) mais également des solutions pour réduire la fracture numérique, fracture néfaste tant au suivi des cours à distance qu’au nécessaire lien social : prêt d’ordinateurs, aides à la connexion à l’Internet, etc.

Pour apporter cette aide directe, des universités ont utilisé la Contribution Vie Etudiante et de Campus (CVEC), et elles demandent désormais au ministère de leur rembourser les sommes engagées.

Les étudiants sont les oubliés des CHSCT…

Cette crise sanitaire vient également nous rappeler que les étudiant·es sont parfois (si ce n’est souvent) les oublié·es des CHSCT (comités hygiène sécurité et conditions de travail) de nos établissements. Le Sgen-CFDT estime qu’une réflexion sur le rôle du CHSCT pour les étudiant·es devrait être menée.

On pense à tous les étudiant·es présents sur le territoire français, mais il convient aussi de ne pas oublier tous les étudiant·es qui se trouvaient à l’étranger lors du confinement. Ils se comptent en milliers, et il a fallu aider au rapatriement quand le besoin s’en faisait sentir.

La période vue par nos correspondants dans les CROUS

La situation des étudiants

La précarité des étudiant·es en temps normal est une réalité, et avec la crise, cette situation risque d’accentuer leur mauvaise situation financière. Le logement est l’une de leurs plus grosses dépenses. Nombre d’entre eux sont ainsi contraints de se priver de certains repas, car ils ne peuvent financièrement assurer deux repas par jour. Les étudiants sont également parfois contraints de se priver au niveau de leurs dépenses de santé, au-dessus de leurs moyens.

Menace de précarité et risques psychologiques…

Ce cadre de vie peut influer et fragiliser leur état psychologique. L’état d’urgence sanitaire actuel risque d’aggraver fortement la situation des étudiants. En effet, ils ont été confinés dans de petits espaces, ont été confrontés à la solitude, à l’angoisse, et à l’épuisement, sans avoir de vision ou d’informations sur leur avenir à long et court terme. Il faut savoir que les étudiants qui ont été confinés pendant les mois de mars et avril ont pour la plupart perdu les emplois qu’ils occupaient avant le confinement. Ceci les a obligés à faire face à de nombreuses dépenses de première nécessité, et notamment à payer leur loyer qui s’élève à un montant entre 300 et 500 euros par mois en moyenne (suivant le montant des APL perçues). Une attention particulière doit être accordée aux étudiants de la région parisienne qui sont davantage touchés par le coût plus élevé de la vie à Paris.

Un certain nombre d’étudiant·es travaillent à temps partiel dans le milieu de la restauration des CROUS et des entreprises du privé, mais avec la fermeture des restaurants, ils se sont retrouvés privés de revenus pour une durée difficile à déterminer. La situation des étudiants étrangers n’est pas facile non plus, ils sont restés confinés de longues semaines et vont devoir faire face à toutes les éventualités, loin de leurs parents. La rentrée est reportée au mois de septembre, les frontières ne sont pas ouvertes, les loyers et les difficultés s’amplifient à tous les niveaux, comment pourront-ils faire face ?

Pour le Sgen-CFDT, il faut prévoir des aides…

On peut s’attendre à des retombées de la crise avec des étudiant·es touché·es en première ligne, c’est pourquoi des aides sont à envisager.

Le Sgen-CFDT propose l’accès à un minimum social pour les jeunes. En effet, il semble insensé de penser que le choix d’études ou de formation professionnelle des étudiants soit prédéterminé par des considérations financières. Envisager un seuil de revenus de solidarité permettrait alors aux jeunes d’appréhender sereinement leur avenir, de s’émanciper ainsi de toute contrainte financière, et de se consacrer à réfléchir à leur choix d’orientation professionnelle plutôt qu’à s’angoisser sur le risque de sombrer dans la précarité.

Saluer l’investissement de tous les acteurs de la solidarité envers les étudiants…

Le Sgen-CFDT souhaite par ailleurs mettre en avant des acteurs qui ont fait preuve de solidarité durant cette période difficile. A titre d’exemple, on peut saluer les services, les personnels en CDI (centre de documentation et d’information), CDD, les étudiant·es, les services sociaux des CROUS qui grâce à leur travail ont mis en place des aides d’urgence, nos personnels des services techniques, ainsi que tous les agents qui de près ou de loin exercent leur mission au quotidien au service des œuvres universitaires. Les personnels du CROUS ont aussi pendant cette période, travaillé avec les associations qui ont distribué des repas aux étudiants, et ils les remercient.

Le ressenti de certains agents du CROUS face à la crise sanitaire

Il ressort clairement des témoignages des agents du CROUS qu’une fois l’état d’urgence sanitaire proclamé par le gouvernement et les mesures restrictives associées prononcées, le tout porté par une atmosphère médiatique anxiogène, les agents se sont sentis en danger.

Ils ont alors souvent fait le choix de se mettre en sécurité pour garde d’enfants, congés et ASA (autorisation spéciale d’absence). Cela a eu pour effet de réduire de manière significative le nombre d’agents du CROUS effectivement sur le terrain. De plus, ces personnels qui restaient en première ligne face à la COVID-19, ne disposaient pas dans certains CROUS de protections nécessaires pour assurer leur sécurité sanitaire.

Les personnels restés en première ligne, ne disposaient pas dans certains CROUS des protections nécessaires pour assurer leur sécurité sanitaire.

Parfois aucune commande de produits, de masques, de lingettes désinfectantes n’avait été faite auprès des fournisseurs, exposant ainsi directement ces agents au virus. Pourtant, c’est également à ce même moment qu’il a été demandé aux étudiant·es de libérer les chambres lorsque cela était possible afin de regagner le domicile familial. Les étudiants ont alors massivement quitté les résidences.

Les agents, toujours en effectifs réduits, ont dû assurer les départs pendant une semaine avant d’obtenir le renfort de collègues des restaurants qui ont participé aux travaux de nettoyage. Des vacataires et étudiant·es en CDD sous contrat ont contribué à gonfler les rangs des agents restants au front. Cela étant, les services concernés ont difficilement assuré leurs missions, encadrés par des directives de l’administration et une organisation managériale inadaptées. A titre d’exemple, les agents ont dû traiter plus de 3000 mails suite aux questionnaires envoyés par les services centraux du CROUS ou encore répondre en urgence aux parents des étudiants pour les rassurer.

Des directives de l’administration et une organisation managériale inadaptées.

Les agents angoissés, surmenés et désarmés face à la gestion de la crise, se sont à nouveau en grande partie mis en arrêt de travail, et les étudiant·es vacataires ont été sollicité·es pour remplacer les titulaires. Certains agents dans des établissements avaient alors le sentiment de jeter les étudiant·es en pâture, ces derniers étant contraints de travailler pour subvenir à leurs besoins. En outre, si l’on en croit les témoignages recueillis, les agents ont été fortement reconnaissants envers leurs collègues des services techniques et de restauration qui les ont assistés et qui ont pris l’initiative de nettoyer les portes et poignées des bâtiments et logements.

Par ailleurs, au-delà de la gestion de la crise sanitaire à proprement parler, les agents ont dû faire face à un problème récurrent : les punaises de lit et les cafards. Dans le respect du protocole imposé, ces professionnels ont été contraints de récupérer le linge des étudiants, de les mettre dans des congélateurs plusieurs jours et de le laver ensuite, à titre gratuit, et d’intégrer les étudiant·es dans de nouvelles chambres.