Rentrée universitaire 2023 vue par le Sgen-CFDT

Sous-investissements chroniques dans l’ESR, leur impact sur les conditions de travail, inquiétudes que suscitent les propos du président de la République quant à sa vision de l’enseignement supérieur.

Nous remercions les journalistes d’avoir répondu à notre invitation à la conférence de presse de rentrée universitaire du Sgen-CFDT.

Formation universitaire et professionnalisation

Laisser entendre, comme le fait parfois le président de la République, que les formations universitaires ne contribuent pas à la professionnalisation, que les universités ne se soucient pas de l’insertion professionnelle n’est pas acceptable, c’est ignorer la réalité de l’enseignement supérieur.
Dans un dossier d’accréditation, et ce n’est pas nouveau, parmi les critères pour le CNESER, la DGESIP, le HCERES il y a le fait que l’établissement mette en œuvre une politique de formation adaptée à sa stratégie et aux besoins de l’environnement socio-économique et culturel.
Pour le Sgen-CFDT si la volonté du président de la République est de confondre capacité des formations universitaires à assurer l’insertion professionnelle des étudiant.e.s et réponse aux besoins immédiats du système productif, il fait erreur. Ce serait une réduction grave de la vocation des universités. Erreur parce que ce serait dévoyer l’université, erreur parce que l’enjeu est aussi dans l’acquisition de connaissances et compétences permettant le retour en formation tout au long de la vie, l’adaptation aux transformations futures et pas toujours connues aujourd’hui. D’autant que plus le niveau de formation universitaire est élevé, plus non seulement il faut viser la capacité à s’adapter aux transformations mais aussi la capacité à accompagner les transformations pour celles et ceux dont on a peut être amené.e à devenir l’encadrant.

Renoncement à la revalorisation des bourses

L’annonce brutale du président de la République qu’il n’y aura pas de nouvelle revalorisation des bourses sur critères sociaux semble enterrer net la deuxième étape pourtant programmée par le ministère de l’enseignement supérieur et la recherche. En effet l’an passé, il était prévu qu’une deuxième étape de la refonte du système des bourses s’accompagnerait d’un nouvel effort financier.
Pour le Sgen-CFDT, c’est indispensable, tout comme il est indispensable de s’emparer de l’ensemble des propositions issue de la mission Jolion sur l’accompagnement des étudiantes et étudiants. Sans cela, pas de réponse cohérente à la précarité étudiante, pas de projet soutenable pour démocratiser l’enseignement supérieur, sans cela la mise en tension des personnels des universités et des CROUS va se poursuivre et pour le Sgen-CFDT ce serait conduire le système d’enseignement supérieur dans une impasse.

De tels propos, couplés à ce qui ressemble pour nous à un renoncement à investir massivement dans l’enseignement supérieur et sa démocratisation, sonnent comme un revirement qui ne dit pas son nom dans la politique de l’ESR.

Les enjeux budgétaires et ce que le sous-investissement fait au travail des agents.

L’enseignement supérieur et la recherche français restent massivement sous-financés, que ce soit au regard du financement par étudiant ou des objectifs européen d’investissement dans la recherche.
Et cette rentrée semble marquer un basculement dans le discours gouvernemental : au lieu de reconnaître les difficultés, quitte à ne pas pouvoir toutes les régler, la parole officielle semble maintenant s’accorder un satisfecit, en mettant la persistance des difficultés sur le compte des établissements – et donc, à travers eux, sur le travail des collègues. Les propos du président de la République selon lesquels “avec leurs budgets, les universités pouvaient mieux faire”, ont été ressentis comme d’une grande violence par les collègues, notamment les plus en souffrance.

La question de la compensation, ou non, des mesures d’amélioration du pouvoir d’achat, ont été révélatrices de ce changement de discours.
Le Sgen-CFDT avait soulevé cette question lors du CSA du 11 juillet dernier, en jugeant indispensable la compensation intégrale de ces mesures par la subvention pour charge de services publics dans le budget 2024, ainsi que leur prise en compte par des mesures rectificatives pour l’année 2023.
On sait que l’arbitrage a été tout autre : pour 2023, rien ; et pour 2024, suivant les interventions de la ministre, une compensation « partielle », peut-être « d’au moins 50% »… L’effet de ces annonces a été désastreux : au-delà de l’inquiétude qu’elle fait naître chez les agents, qui peuvent craindre pour l’application réelle et sans retard de ces mesures à tous ceux qui y ont droit, il en a résulté une rupture flagrante de la confiance entre le gouvernement et les établissements – alors même que c’est uniquement au travers des opérateurs de l’Etat que sont les établissements d’enseignement supérieur et de recherche que peut se déployer la politique publique dans ce domaine. C’est le point saillant de cette rentrée : Sylvie Retailleau, qui était l’une d’entre eux, a « perdu » les présidents d’universités…

En termes de crédibilité de la parole de l’Etat, cela interroge, bien sûr ; mais c’est aussi la réalité du terrain qui s’impose : l’enseignement supérieur français, et en particulier l’enseignement supérieur universitaire, ne s’est massifié qu’au prix de sa paupérisation.

Il n’y a plus aujourd’hui de marges de manœuvre : tout effort nouveau que l’on demanderait aux collègues sans donner l’intégralité des moyens nécessaires serait voué à l’échec, non sans broyer au passage des agents.

De la même manière concernant la recherche, peut-on se contenter d’empiler les dispositifs (avec par exemple les « agences de programme » proposées par le rapport Gillet ? On ne peut non plus croire que quelques changements de systèmes d’information suffiraient à transformer la gestion des unités de recherche en une partie de plaisir – bien au contraire, le CNRS a monté ces dernières semaines, avec le déploiement catastrophique de son logiciel de gestion des missions, que de tels changements, mal conduits, étaient au contraire de nature à empêcher le travail et à accentuer les situations de souffrance au travail. Là encore, c’est de la réalité du travail des collègues que doit partir la réflexion ; par exemple sur le poids croissant des appels à projet, dont les praticiens dénoncent l’aspect chronophage au détriment de l’activité de recherche.

Pour le Sgen-CFDT, c’est le sous-investissement chronique dans les universités qui explique les difficultés dans la mise en œuvre de la loi orientation et réussite étudiante.

les difficultés à mettre en œuvre pleinement la loi ORE

Entre la rentrée 2011-2012 et la rentrée 2021-2022, les effectifs à l’université ont augmenté de 300 000[1], soit 10 universités de taille moyenne (environ 30 000 inscrits). Or les moyens n’ont pas suivi, loin s’en faut.
Le financement des créations de places prévues dans la loi ORE s’est fait sur des bases extrêmement faible, 1 600€, comme s’il suffisait d’ajouter quelques étudiants dans des amphis largement sous-occupés ! A titre de comparaison, l’évaluation du coût de formation d’un étudiant à l’université est d’environ 5 250€ par an, on voit qu’on est loin du compte…
Et s’il faut augmenter l’encadrement, on peut prendre comme référence la dépense moyenne de l’Etat pour un étudiant de BTS (14 270€) ou de classe prépa (15 710€).

La création de dispositif de soutien comme les « oui si » demande plus de moyens que les filières classiques, parce qu’ils doivent s’adresser normalement aux publics plus faibles. De la même manière, la mise en place de tels « parcours personnels et professionnels des étudiants » suppose un encadrement renforcé pour accompagner les choix. Or, les moyens par étudiant sur la période ont diminué, ce qui a rendu la mise en œuvre du dispositif très problématique. Ainsi, sur la période 2011-2021, le nombre d’enseignants-chercheurs dans l’enseignement supérieur a diminué de plus de mille, et cette diminution n’a pas été compensée par l’augmentation du nombre d’enseignants du 2nd degré : c’est -250 postes sur la même période. Il est difficile alors de renforcer l’encadrement sur des petits groupes d’étudiants pour les faire réussir ! Les quelques éléments qui sont remontés des établissements ne permettent pas de conclure à l’efficacité dans la mise en œuvre de la loi, d’après la Cour des comptes. Mais il est difficile de faire des miracles sans moyens. Et malgré cela, les universités ont continué de se transformer pour mieux accompagner la réussite étudiante, souvent au prix de la dégradation des conditions de travail des personnels.

Alors qu’il faudra dans les années à venir faire face au départ en retraite de nombreux enseignants chercheurs, le Sgen-CFDT affirme qu’il ne faut pas compter sur la baisse démographique pour ne pas améliorer le taux d’encadrement à l’université et cela suppose des moyens budgétaires pérennes pour pouvoir recruter sans tabler sur de l’emploi contractuel et précaire.

formation initiale des enseignant.e.s et CPE.

Les déclarations du président de la République depuis un an maintenant sur la formation des enseignant.e.s soulèvent plus de questions qu’elles n’apportent de réponses à la grave crise d’attractivité que connaissent les métiers de l’enseignement et de l’éducation. A l’occasion de la présentation des axes de réflexion sur l’attractivité du métier enseignant, aux organisations syndicales, mercredi 13.09.23 Gabriel Attal a affirmé le maintien de la formation des enseignants au niveau master tout en ouvrant la réflexion sur la place du concours.

Pour le Sgen-CFDT, un décrochage et une désynchronisation du recrutement et de la formation des enseignants premier degré n’est pas acceptable et ferait revenir les professeurs des écoles 30 ans en arrière.

Pour le Sgen-CFDT, la question de la place du concours n’est la bonne si on parle d’attractivité du métier.
Il serait préférable de s’interroger sur les conditions de la découverte du métier en regardant ce qui se fait dans les facs de médecine par exemple, de s’interroger aussi sur le contenu du concours en faisant enfin confiance aux universités pour valider les compétences académiques et en faisant du concours un moyen de recruter de professionnels.

Le sgen-CFDT revendique une rémunération pendant l’ensemble du master ouvrant des droits sociaux ainsi qu’une alternance dont la priorité est la formation des étudiant.e.s qui ne doivent pas être considéré.e.s comme des moyens d’enseignement.

Pour le SGEN-CFDT la formation des enseignant.e.s est un domaine partagé avec l’enseignement supérieur : les arbitrages à venir sur le repositionnement du concours ne peuvent pas se décider unilatéralement rue de Grenelle. Un concours de recrutement pour le professorat des écoles repositionné en fin de L3 aurait forcément des conséquences sur le premier cycle de licence et pose de nombreuses questions statutaires si la titularisation n’intervient qu’après l’obtention du master.

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