Chaires de Professeur Junior : un début problématique

Les remontées de terrain font apparaître des demandes fortes pour ces chaires de professeur junior, mais les objectifs affichés ne sont pas toujours respectés. Ce qui revient à mettre en place un système de recrutement des enseignants-chercheurs à deux vitesses !

Quel état des lieux ?

La Loi de Programmation Recherche prévoit la possibilité de recruter de futurs professeurs des universités ou de directeurs de recherche, sur des postes appelés « chaires de professeur junior » (CPJ). Le nombre de postes demandés sous cette étiquette est en augmentation forte.

Le total annuel reste encore faible par rapport au nombre total de postes (92 dossiers acceptés en 2021, 137 en 2022). Toutefois, le nombre de ces chaires représente déjà 30% environ des postes pourvus par concours (hors repyramidage), ce qui n’a rien de marginal.

Cela pose par conséquent la question de ce type de recrutement, et de la place qu’il va prendre dans les années à venir.

 

Les objectifs avancés par le ministère

Le ministère avait argué de la nécessité de pouvoir recruter plus facilement certains profils :

  • internationaux,
  • particulièrement brillants, que les conditions normales de recrutement ne pourraient pas attirer,
  • pluridisciplinaires,
  • sur des thématiques émergentes.

Car si l’emploi semble précaire (contrat de 6 ans maximum), les conditions sont réellement attrayantes pour un chercheur. Il reçoit tout d’abord une dotation de 200k€ sur la durée du contrat pour ses travaux de recherche. D’autre part, sa charge d’enseignement est réduite au tiers. La conjugaison de ces deux éléments peut rendre ces chaires particulièrement attractives.

Pourquoi la demande de chaires augmente-t-elle ?

Ces postes offrent un accès au corps des professeurs d’université (non garanti, mais très probable). Or, actuellement, le passage de maître de conférences à professeur est très difficile dans de nombreuses disciplines. Ce qui rend d’autant plus attractif cette nouvelle piste. Par conséquent, des enseignants-chercheurs se sont portés candidats sur ces emplois, ce qui n’était pas anticipé par les textes réglementaires.

Pour les établissements, c’est un poste de plus, financé directement par le ministère.  Or, les difficultés financières des universités les ont amenés à « geler » de nombreux postes. En même temps, les effectifs étudiants ont explosé. Aussi, malgré l’hostilité pratiquement unanime de la communauté universitaire, de nombreux établissements ont fait une demande de chaires.

Une fracturation du corps des enseignants-chercheurs

Ces modalités de recrutement créent de facto un corps d’enseignants-chercheurs à deux vitesses. Ceux qui seront recrutés sur ces postes risquent d’arriver rapidement en fin de carrière et de se démobiliser faute de perspectives d’évolution. Quant aux autres, ils risquent de se vivre comme des enseignants-chercheurs de seconde zone, avec des carrières bloquées.

De plus, ces contrats prévoient un service d’enseignement de 64h par an, au lieu de 192h, pour toute la durée du contrat. Autrement dit, ce très faible nombre d’heures d’enseignements ne permettra pas d’améliorer les conditions d’accueil des étudiants dans l’enseignement supérieur !

Il est urgent d’avoir des éléments de bilan pour ces chaires de professeur junior !

Le Sgen-CFDT s’est opposé à ce dispositif. Il introduit en effet une concurrence destructrice dans les collectifs de travail en créant un système de recrutement à deux vitesses des professeurs.

Le Sgen-CFDT avait toutefois négocié pour qu’il y ait en contrepartie un repyramidage du corps des enseignants-chercheurs. En effet, la carrière d’un grand nombre de collègues est actuellement bloquée. Ce blocage ne résulte pas de la qualité des dossiers.  Ce sont d’une part les gels de postes et d’autre part des départs à la retraite actuellement très faibles qui ont créé ces blocages.

Nous demandons donc que des retours soient faits sur ces postes, en particulier sur les origines des lauréats (proportions de maîtres de conférences déjà en poste, par exemple) afin d’évaluer la pertinence du dispositif par rapport aux objectifs affichés.

Enfin, il faudra à terme être vigilants sur l’accès à la titularisation : combien de refus, combien parmi ces CPJ préfèreront quitter le système universitaire français pour des systèmes plus rémunérateurs…

Nous nous étions opposés à ce dispositif, car le risque qu’il constitue la première étape d’une transformation des conditions de recrutement nous semblait majeur.

Or, ce dispositif semble ne pas avoir été utilisé conformément aux objectifs annoncés, comme le montrent les remontées de terrain que nous avons.

Si cette tendance est confirmée, il sera impératif d’en finir avec cette expérience.  Pour revenir à la création de postes d’enseignants-chercheurs « classiques », postes dont les universités ont cruellement besoin !