Loi Orientation Réussite Étudiante (ORE) : mauvais coups et points positifs

La loi a été votée par le Sénat et l'Assemblée nationale. Le débat parlementaire a modifié le texte proposé par le gouvernement et qui avait reçu un avis favorable du Conseil National de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche. Qu'en est-il exactement ? Quelles sont les modifications apportées ?

Loi ORE : les mauvais coups des sénateurs !

Les amendements à la loi ORE déposés par les sénateurs du groupe Les Républicains ont fait débat. Deux propositions ont particulièrement fait parler d’elles et suscité de vives inquiétudes.

1- Une tentative de restreindre par la loi l’accès aux formations post bac :

Les sénateurs Les Républicains ont tenté de supprimer le « tous » de la phrase de l’article 1 de la loi ORE :

« Le premier cycle est ouvert à TOUS les titulaires du baccalauréat … »

Cette suppression aurait laissé entendre que donc TOUS les bacheliers n’y avaient pas accès … Cela ouvrait la porte à la mise en place d’une sélection malthusienne dont les principales victimes auraient été, on s’en doute, les bacheliers pro et techno.

Pour le Sgen-CFDT cela était inacceptable !

Le ministère a obtenu sa suppression pure et simple. L’article 1 de la Loi reste donc inchangé dans la première partie de son premier alinéa.

L’accès aux formations post bac est donc bien ouvert à TOUS les bacheliers.

Cependant, le texte de loi ajoute un élément qui ne figurait pas jusque là dans le Code de l’éducation. Cet ajout n’a pas été retouché, ni par l’Assemblée nationale ni par le Sénat, l’alinéa suivant :

«  L’inscription … peut être subordonnée à l’acceptation par ce dernier du bénéfice de dispositifs d’accompagnement pédagogique ou du parcours de formation personnalisé proposés par l’établissement pour favoriser sa réussite… »

Il instaure de fait un droit à l’accompagnement pour les étudiants les plus éloignés des attendus de la filière dans laquelle ils ont souhaité s’inscrire. Si cela est perçu par d’aucuns comme une remise en cause du droit d’accès à l’université, pour le Sgen-CFDT il interpelle plutôt le système de formation et donc l’État en leur renvoyant leurs responsabilités. Car accueillir ce n’est pas faire réussir ! Tous les publics n’arrivent pas dans les mêmes conditions et avec les mêmes parcours antérieurs dans le premier cycle. C’est le cas en particulier de certains élèves qui ont fait toute leur scolarité dans des établissements de zones défavorisées qui concentrent le plus grand taux d’enseignants contractuels, le plus grand taux d’absences non remplacées, etc.

Ces dispositifs d’accompagnement concernent toutes les filières y compris celles qui ne sont pas en tension.

Ils doivent permettre d’éviter les abandons massifs en cours de premier semestre : 40 % des abandons ont lieu avant le mois de décembre de la première année de licence !

Ils doivent aider les étudiants en leur proposant des remédiations et/ou de l’accompagnement à la construction du projet de formation et du projet personnel. Certains pourront donc être accompagnés, s’ils le souhaitent vers une réorientation (actuellement cela concerne 20 % des étudiants de L1).

Ces dispositifs constituent pour le Sgen-CFDT le cœur du projet de la loi. C’est cela qui doit permettre de changer la réalité de l’université d’aujourd’hui : la part des enfants issus des familles populaires est encore très, trop, faible. Et cela, lorsque l’on est militant, adhérent du Sgen-CFDT, c’est inacceptable !!! Ce sont ces bacheliers, ceux qui sont les plus éloignés des codes scolaires et universitaires, qui bénéficient du taux d’encadrement le plus faible de l’enseignement supérieur … car faute de place en STS ou IUT, ils se retrouvent sur les bancs de l’université sans accompagnement. 1,6 % des bacheliers pro réussissent la licence en 3 ans et 4 % en 4 ans !

C’est pour ces dispositifs d’accompagnement que le Sgen-CFDT demande et demandera encore plus de moyens pour permettre à tous les établissements de relever le défi de la démocratisation de la réussite étudiante. Ces moyens sont d’autant plus indispensables que la situation des établissements de l’enseignement supérieur est très dégradée en raison d’un sous investissement chronique depuis de nombreuses années. Si la responsabilité de la mise en œuvre de l’accompagnement relève des établissements, la responsabilité de donner à ces mêmes établissements les moyens suffisants pour les organiser relève bien de l’État.

C’est ce combat-là que nous devons mener si nous voulons réellement lutter contre la sélection et revendiquer plus de justice sociale ! Mais c’est aussi ce combat que nous devons mener pour améliorer les conditions de travail des personnels. Le Sgen-CFDT regrette la décision de certaines organisations syndicales d’avoir répondu négativement à son appel d’une mobilisation unitaire sur le budget de l’ESRI.

2- Une tentative d’instaurer de fait, par la loi, un numerus clausus dans toutes les filières :

L’autre amendement déposé par les sénateurs républicains concerne les modalités de calcul par l’autorité académique (le recteur) des capacités d’accueil des filières du premier cycle.

Le texte prévoyait ainsi :

« Les capacités d’accueil … sont arrêtées chaque année par l’autorité académique après dialogue avec chaque établissement. La modification des capacités d’accueil prend en compte les taux de réussite et d’insertion professionnelle observées pour chacune des formations »

Même si cela ne devait se faire qu’en accord avec l’établissement, la visée adéquationniste de la rédaction de cet alinéa était inacceptable pour le Sgen-CFDT. Nous l’avons fait savoir immédiatement à la ministre et aux sénateurs. Le Sgen-CFDT a également publié un communiqué de presse.

Un texte de compromis a été trouvé entre le gouvernement et les sénateurs :

« Les capacités d’accueil … sont arrêtées chaque année par l’autorité académique après dialogue avec chaque établissement. Pour déterminer ces capacités d’accueil, l’autorité académique tient compte des perspectives d’insertion professionnelle des formations, de l’évolution des projets de formation exprimés par les candidats ainsi que du projet de formation et de recherche de l’établissement »

Comme chacun peut le lire, la notion de taux a été supprimée et remplacée par des notions qui ne peuvent se traduire en données chiffrées fiables : perspectives, évolutions… Sont également ajoutés les critères de projets tant de l’étudiant que de l’établissement…

La manœuvre est claire pour tous ceux qui sont habitués aux exercices parlementaires : la formulation proposée par la ministre aux sénateurs rend inapplicable cet alinéa tout en permettant au sénateur à l’origine de l’amendement de garder la tête haute… (voir le CP du vendredi)

Cet amendement a suscité bien des polémiques. Il est donc fondamental que les inquiétudes exprimées, en particulier par les étudiants et leurs familles, soient entendues et que tout soit fait pour leur répondre.

C’est pour cela que le Sgen-CFDT a demandé à rencontrer en urgence la ministre de l’ESRI. La rencontre est programmée le lundi 19 février à 16 heures.

Le Sgen-CFDT souhaite obtenir des garanties. Celles ci doivent se traduire par la rédaction d’un outil réglementaire de type décret priorisant les critères entrant dans les modalités de calcul des capacités d’accueil. Pour le Sgen-CFDT, le seul critère prioritaire est celui du projet de l’étudiant.

Enfin, le gouvernement a obtenu le retrait pur et simple des amendements visant à augmenter les frais d’inscription pour les étudiants étrangers, les filières différenciées …

Pour le Sgen-CFDT, cette loi ne correspond pas à la réforme que nous voulions, en particulier parce qu’elle ne traite ni de la question des filières sélectives et de la différence des moyens alloués entre ces filières et les non sélectives, ni de la question des moyens de l’ESRI dans son ensemble.

Cependant, il faut noter les éléments positifs :

le maintien du droit d’accès pour tous les bacheliers aux formations post bac (ce n’était pas le souhait du Président de la République) ;

la mise en place des dispositifs d’accompagnement pour les étudiants en difficulté ;

l’extension du dispositif d’inscription automatique en STS pour les bac pro et en IUT pour les bacs techno par les conseils de classe de terminale ;

l’année de césure avec maintien des droits ;

l’instauration d’un taux minimum de bacheliers boursiers dans toutes les formations y compris sélectives ;

le déblocage d’une enveloppe de 950 millions d’euros pour le financement de la seule réforme ;

l’ouverture de discussions sur une meilleure reconnaissance de l’activité de formation des enseignants et enseignants chercheurs ;

l’ouverture de discussions sur des mesures catégorielles d’accompagnement de la réforme.