Université intégrée : quels bénéfices et quels coûts pour les personnels ?

Après une phase de concertation, le Sgen-CFDT fait un point sur ses revendications. Nous soulignons la nécessité d'un bilan partagé de la situation actuelle et d'une projection de ce que peut et ne peut pas apporter la mise en place éventuelle d'une Université intégrée.

Le projet d’« Université intégrée », qui devrait entrer en fonctionnement en 2020 s’il est adopté, a été présenté aux personnels lors de quatre assemblées générales ainsi que dans les conseils des établissements de la future UI. Une première feuille de route donnant le cadrage général de cette future UI a été proposée par les directions des établissements qui feront parti de l’UI (UGA, Grenoble INP, ENSAG, IEP, CNRS, INRIA et CEA) et une série de « groupes de concertation » mis en place.

un travail important de préparation

Le SGEN-CFDT salue la mise en place de cette concertation, une première qui répond à une demande de longue date des syndicats, avec un cadre fixé, un timing certes contraint mais un travail de concertation de qualité qui a permis de confronter les points de vue (pas forcément convergents). Les rapports de ces GC, fidèles aux discussions, sont tous disponibles sur le site intranet dédié à l’UI. C’est pour nous un bilan positif.

Fidèle à un syndicalisme de proposition et non corporatiste, le SGEN-CFDT et la CFDT se sont investis dans tous ces groupes de concertation (GC) pour y porter les valeurs et les objectifs que nous défendons et pour que ce projet se traduise par une réelle ambition pour les personnels.

Il s’agit d’un travail important de préparation et le SGEN-CFDT donne ci-dessous, sans entrer dans le détail, les points qui ont guidés nos interventions dans les GC :

1. Une gouvernance collégiale préservée, avec un CA et un CAC de l’UI ayant une proportion d’élus identique à ce qui se pratique à l’UGA actuellement, c’est à dire un CA avec 60% d’élus du personnel (Nous sommes favorables à ce que la garantie des quatre grands secteurs soit identique à celle de l’UGA) et un Conseil académique réellement en charge de discussions stratégiques en amont.

Des conseils de composantes également composés en majorité d’élus du personnel.

2. Une transformation en faveur des personnels qui garantisse une réelle amélioration de la qualité de vie au travail de tous les personnels. Nous avons porté cette question dans tous les groupes de concertation, car elle doit être au centre de TOUS les processus.

La mise en place d’une conférence sociale annuelle, des enquêtes « qualité de vie au travail » (QVT) régulières doivent permettre un suivi de la QVT et une ‘mesure’ de sa réelle amélioration. Une harmonisation par le haut de la gestion des personnels titulaires et contractuelles, à minima entre UGA, Grenoble INP, aussi bien en terme de gestion que de carrière.

La sécurisation des parcours professionnels des contractuels et la réduction de la précarité par mutualisation des ressources propres sur projet doivent être une priorité.

Nous avons proposé que l’inter comité technique (inter CT) actuel soit remplacé par un comité technique commun, qui aura donc une légitimité pour porter toutes les questions relatives aux améliorations QVT et salariales.

3. Des processus de prises de décisions au plus proche des personnels, et donc une réelle ‘déconcentration’ vers les composantes, tout en ayant à l’esprit qu’il faut avoir les moyens pour le faire.

Les équipes présidences vont ensuite diffuser une feuille de route détaillée, incorporant une partie des conclusions des GC : un processus que la CFDT considère comme normal. La CFDT mettra à profit le délai de deux mois avant le vote devant les conseils, pour proposer tous les amendements qu’il jugera nécessaire, et prendra ensuite ses responsabilités.

Quels sont les objectifs de la mise en place de l’UI ? Pourquoi ces objectifs ne peuvent-ils pas être atteints avec l’organisation actuelle ?

Au delà des points abordés dans les groupes de concertations, il reste un certain nombre de points cruciaux pour lesquels nous n’avons cependant toujours pas de réponse :

Le principal questionnement, que nous avions formulé dès la mise en place de la COMUE et de la fusion UGA et lors du projet IDEX, et que avons rappelé à plusieurs fois est le suivant : Quels sont les objectifs de la mise en place de l’UI ? Pourquoi ces objectifs ne peuvent-ils pas être atteints avec l’organisation actuelle ? ou dit autrement quelle est la ‘plus value’ pour les personnels de la mise en place de l’UI?

Pour répondre à cette question il est indispensable de faire un bilan partagé, de la situation actuelle et en particulier de la fusion UGA et de la mise en place de la COMUE.

Nous n’avons toujours pas obtenu de réponse satisfaisante à ces questions et nous allons donc donner la position de la CFDT sur ces points. Tout d’abord le bilan de la fusion UGA et de la COMUE, ne serait-ce que par respect pour tous les personnels qui s’y sont investis, doit être réalisé. Le SGEN-CFDT a été le seul syndicat intercatégoriel à soutenir ces transformations importantes, et le bilan rapide que l’on peut en tirer nous donne raison.

La fusion de l’UGA, a été difficile, la conduite de la transformation a été trop rapide dans certains services, les personnels n’ont pas été suffisamment écoutés. Cependant, c’est indéniablement une réussite ! … l’UGA est une vraie université au sens plein du terme, les pratiques des différents secteurs ont été confrontées, le meilleur a même pu en être tiré. Pour les personnels, nous avions demandé que soit inscrit en préambule des statuts, un volet social détaillé ; il a été largement mis en place pour le bénéfice de tous les personnels : dialogue social, enquête QVT, alignement des primes etc…. Tout n’est certes pas parfait, il y des points de friction, les conseils ne débattent pas assez, mais personne ne songerait aujourd’hui à revenir en arrière !

En étant maintenant un peu plus critique, quel bilan de ces deux années ?  Un des points qui revient souvent est la trop grande centralisation, le manque de délégation aux échelons intermédiaires au plus proche des personnels, une critique que nous avions formulée dès la rédaction des statuts de l’UGA en regrettant l’absence de ‘fédéralisme’ ou d’échelons intermédiaires dans l’organisation..

Un autre point de préoccupation est le nombre croissant de cas collectifs de souffrance au travail qui émergent au CHSCT.

La mise en place de la COMUE est également une réussite :

Tout d’abord, pour les personnels et leurs représentants, la mise en place d’une structure inter-établissement avec un CA et un CAC beaucoup plus démocratique qu’avec le PRES ou le GIP. Certes la structure ne fait pas tout, il faut les faire vivre, c’est le cas en particulier du Conseil académique qui doit mieux fonctionner, mais souvenez-vous du projet GIANT, déséquilibré sur le plan de la métropole, et qui devait se réaliser en catimini sans que les autres partenaires (ne parlons pas des personnels) n’en soient informés…

Le CA et le CAC, et les commissions associées, permettent de vrais débats et une certaine démocratie. La COMUE est également une structure qui n’est pas une coquille vide, loin de là, avec la mise en place des pôles de recherches, du collège doctoral, la définition de la carte des formations, la culture et CST, la vie étudiante, les nombreux services inter-U… Finalement un pilotage de groupe inter CT, avec un dialogue social inter-établissement que nous demandons et qui se met petit à petit en place de manière constructive.

Au total un bilan très positif et une des COMUE qui certainement fonctionne le mieux en France.

Qu’est ce qui ne fonctionne pas ?

Tout d’abord un manque de moyen et des services en ‘surchauffe’ ; ensuite le programme IDEX échappe, de fait, aux décisions du CA ou du CAC, ne permettant pas de débat sur les stratégies formation et recherche à l’échelle du site. Par ailleurs la multiplication des appels à projet est inefficace.

Voilà pour le bilan rapide et forcément incomplet que la CFDT fait de ces deux transformations majeures sur le site Grenoble Alpes.

Que souhaite-t-on pour la suite, pour revenir à notre question initiale ?

Qu’est ce qui doit être amélioré, renforcé et en quoi l’UI y répond ?

Deux arguments sont mis en avant : une meilleure intégration des Écoles et de l’UGA d’une part et des organismes de recherche d’autre part.

L’UI répond elle à cette demande ?

Si le schéma organisationnel peut sembler attirant, plus on se penche sur son fonctionnement, moins la pertinence du modèle semble bonne.

Un des points de crispation actuel, qui est emblématique de cette question, concerne la définition du périmètre et des compétences des composantes sans personnalité morale (CSPM), leur articulation avec les CAPM (Grenoble INP, IEP, ENSAG) et les pôles de recherche, les objectifs qu’elles doivent remplir en terme de formation et de recherche.

Si les CSPM peuvent permettre une ‘déconcentration’ permettant un travail plus proche du terrain que la CFDT défend, les discussions autour des périmètres des CSPM mettent en évidence un certain nombre de difficultés : quels objectifs pour les composantes, quelle est la meilleure articulation pour la formation, quelle répartition entre central et composante ? Toutes ces questions suscitent une inquiétude légitime auprès des personnels et doivent être largement débattues.

Si on se place sous l’angle des formations et de l’articulation entre Grenoble INP, IEP et UGA : où se trouvent les interfaces, où se fait le travail en commun qui pourrait être amélioré ?

Si on considère Grenoble INP, en gros PHITEM travaille avec Phelma, ENSE3 et ESISAR, IM2AG avec l’ENSIMAG et Chimie/Bio avec PAGORA et il y a des interactions fortes entre Polytech et les écoles.

La mise en place de l’institut d’ingénierie, répond certes au rapprochement avec Polytech mais pas aux autres items évoqués plus haut.

On voit que l’articulation nécessaire pour la formation, se trouvera à un échelon inter-composante UI.

De même, si on regarde du coté de l’IEP, c’est avec les formations droit–éco-gestion, l’IAE, l’Institut d’Urbanisme et de Géographie Alpine et l’ENSAG que les interactions se développent.

On peut également regarder la formation sous l’aspect formation transverse versus formation professionnalisante. Le DLST est un bon exemple de cet aspect : il permet une formation transverse en licence, qui inclut les humanités, et pourrait facilement en inclure plus dans le cadre d’une formation d’ étudiants ‘responsables’.

Quelle est la place du DLST dans les composantes ? Son fonctionnement sera-t-il amélioré ?

Cette analyse doit être approfondie en y associant les personnels mais, de ce point de vue on voit émerger un modèle avec des structures plus souples et agiles, associant plus étroitement les Écoles et l’UGA autour de champs disciplinaires.

Considérons ensuite l’articulation avec les organismes de recherche :

Est ce que l’UI améliore les interfaces, qui existent déjà dans les UMR et avec les pôles de recherche ? Est ce que les prises de décisions seront plus concertées avec l’UI, qu’avec la structure actuelle COMUE plus UGA plus pôles ?

Il faut répondre en toute franchise à ces questions.

Et y ajouter les inconvénients de la mise en place de l’UI qui risque de rigidifier le système car il augmentera les contraintes aux interfaces.

peser les avantages et inconvénients de l’UI et étudier en toute transparence un scenario alternatif

Par ailleurs la déconcentration vers les composantes CSPM impactera essentiellement l’actuelle UGA et nécessitera des moyens. Il faut donc évaluer soigneusement ce qui peut être déconcentré du ‘central UGA’ et les moyens qui doivent y être associés afin que les services puissent fonctionner correctement. Pour cela nous demandons que le bilan de l’UGA soit effectué et que les personnels y soient largement associés.

De même il faut que des scenarii de fonctionnement et de déroulé de prise de décision soient mis en place afin de mieux appréhender les avantages et inconvénients des différentes possibilités. Là encore le bilan des deux années de fusion de l’UGA, du fonctionnement de la COMUE pourront être des aides précieuses pour prendre les meilleures décisions.

La CFDT n’abordera pas ici le statut de l’USMB et ses relations avec l’UI, et en particulier le devenir de ses collaborations au sein du collège doctoral ou des pôles de recherche.

En conclusion, il nous semble urgent de bien peser les avantages et inconvénients de l’UI et d’étudier en toute transparence un scenario alternatif autour d’une COMUE et UGA renouvelé et/ou amélioré. Le SGEN-CFDT y apportera toute sa contribution.